La grosse femme d’à côté est enceinte, Michel Tremblay

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4ème de couverture :

Au coeur du Plateau Mont-Royal, ce quartier populaire de Montréal qui prend des allures de véritable microcosme social, une femme de 42 ans, enceinte de sept mois, devient le centre d’un monde réaliste et fantasmagorique. Dans la journée du samedi 2 mai 1942, alors que tourbillonnent émotions et drames de la vie privée, le romancier met en place, avec un grand bonheur d’écriture, les acteurs du premier tome du puissant cycle romanesque des Chroniques du Plateau Mont-Royal.

Mon avis :

Le récit de La grosse femme d’à côté est enceinte, de Michel Tremblay, fut écrit une dizaine d’années après sa pièce de théâtre Les Belles soeurs. Si le genre littéraire change, l’action pourtant rappelle ici le théâtre puisqu’elle  se réduit à une seule journée, le 2 mai 1942, et à un même lieu, le quartier du Plateau Mont-Royal, plus particulièrement la rue Fabre et le Parc Lafontaine. Ce condensé de vies donné à voir en une seule journée, à première vue normale, mais pas tout à fait ordinaire, et cette galeries de portraits vivants, complexes et variés rendent la lecture de ce livre exquise.

L’histoire est avant tout celle d’une famille autour de laquelle gravite celle d’un quartier. Si Victoire, la grand-mère, semble être la figure centrale de cette famille, c’est pourtant bel et bien « la grosse femme » qui est le point névralgique et le symbole maternel par excellence. Son obésité joint à sa grossesse la condamne à l’inactivité, assise seule dans sa chambre, et tous les autres personnages composent leur vie autour d’elle. Son absence même de prénom lui confère une nature universelle et c’est auprès d’elle que les uns et les autres viennent s’épancher et se confesser. Ce thème de la maternité est omniprésent dans le récit, révélée à la fois comme ce qu’il y a de plus beau et de plus vénérable quand la grossesse est souhaité, ce qui est le cas de « de la grosse femme », ou alors entâchée par la répugnance et le refus, ce qui est le cas d’autres femmes enceintes du quartier et d’Albertine, la belle-soeur de la grosse femme. Michel Tremblay met en relief le fait que durant la guerre, l’enfantement pouvait dispenser les hommes d’aller à la guerre. Certaines femmes devenaient alors mère par contrainte et obligation plutôt que par désir. De plus, l’ignorance et l’absence de communication menaient les femmes à méconnaître leur condition d’épouse et de futur mère. Dans le récit, c’est la grosse femme, qui à la fin, réunit les femmes enceintes et tente de les éclairer sur ces choses de la vie. 

Même si je m’attache particulièrement au personnage de la grosse femmes, tous les autres personnages sont aussi passionnants, et l’on se rend d’ailleurs compte que l’amour et la sexualité ne préoccupent pas seulement les femmes enceintes. Voyez Edouard dont nous comprenons bien les penchants, les deux enfants, Thérèse et Richard qui découvrent les troubles de la sexualité, Albertine qui la rejette, la grosse femme et son mari qui y aspirent, etc…

Et puis, il y a aussi ces quatres femmes, les trois tricoteuses et leur mère, les gardiennes, les tisseuses de destin, invisibles protectrices semblables aux Parques, qui distillent dans le roman cette touche de fantastique et de surnaturel qui côtoie avec un naturel déconcertant le réalisme du récit. 

Et puis bien sûr, il serait impensable de ne pas parler du langage, du parler typiquement québécois, qui ne rend pas les mêmes sensations que le classique français. Et de ce langage naît le pouvoir de communiquer et de rentrer en contact. Il n’est pas besoin de description dans ce livre, le langage seul permet de voir, de sentir les personnages, il est totalement visuel.

Que dire de plus pour raconter mon plaisir de lecture, pour rendre compte de la beauté de ce récit et du talent de son auteur et pour vous donner à votre tour le désir de rencontrer la grosse femme? Tout simplement que vous allez côtoyer des personnages attachants dans un univers qui l’est tout autant, que vous aurez aussi souvent un sourire aux lèvres qu’un pincement au coeur, et que vous aurez une envie irrésistible de lire à voix haute…

Un grand merci à ma maman, ma figure maternelle à moi, qui a eu l’excellente idée de me confier ce livre de Michel Tremblay.

ON EN PARLE ICI AUSSI : Karine

12 Réponses à “La grosse femme d’à côté est enceinte, Michel Tremblay”

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  1. Anne dit :

    Je l’avais vu à vendre dans ma bouquinerie et le titre m’avait rebuttée. Ensuite, j’ai lu des billets sur M.Tremblay sur les blogs et j’ai bien regretté de ne pas l’avoir acheté.
    Un regret que tu ravives aujourd’hui ;-((((

  2. kesalul dit :

    @ Anne,
    Je pense que tu peux lancer dans la lecture de ce roman Anne… et j’espère que cela te plaira…

  3. Mamounette dit :

    Tout d’abord, Merci pour cette phrase finale qui me démontre (s’il en était besoin!!) tout l’amour que tu me portes… je t’aime mon bébé…

    Ensuite… je suis sincèrement heureuse que tu aies apprécié ce magnifique roman…. je n’aurais pas su l’exprimer d’aussi belle façon, mais tu sais combien j’ai adoré lire ces « chroniques » en général et ce roman en particulier !!! J’espère sincèrement que ton « avis » incitera plein de gens à « gouter » du Michel Tremblay!!!

    Bisous d’amour de ta Mamounette

  4. kesalul dit :

    @ Mamounette,
    encore merci pour cette découverte mamounette… Je te dirais bientôt ce que je pense des tomes suivants de ces Chroniques.
    Gros bisous ma mamounette

  5. betty dit :

    Ton article est très alléchant et je crois me souvenir avoir vu d’autres incitations à le lire sur les blogs . J’essayerais donc de « gouter » du Michel Tremblay ;)
    bonne journée

  6. kesalul dit :

    @ Betty,

    Merci pour ton commentaire. Je te souhaite d’apprécier les récits de Michel Tremblay. Je vais continuer la suite de ces Chroniques d’ici peu, je pourrais donc te dire si la suite est du même acabit que ce premier tome.

  7. Isabelle dit :

    J’apprécie beaucoup ton écriture et ton billet donne vraiment envie de découvrir cet auteur encore inconnu pour moi.

  8. kesalul dit :

    @ Isabelle,
    Merci beaucoup pour ce gentil commentaire qui me fait rougir… J’espère que tu prendras plaisir à découvrir les romans de Michel Tremblay qui fait partie de ces auteurs québécois incontournables.

  9. fidji dit :

    Aurais-je trouver mon bonheur !!! si mère et fille sont d’accord sur la qualité de ce livre, je vais noter le nom de ce phénomène inter-générationnel !!!!!! Gros bisous à vous 2

  10. kesalul dit :

    @ Fidji,
    S’il te plaît, tu pourras ensuite le conseiller à tes enfants… C’est beau un livre qui voyage entre générations…
    Merci pour ton commentaire Fidji.

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